Les bulles de liquide vaisselle planent paisiblement autour de Binh-Dû,
quand l’une se rapproche il tente de l’attraper avec son éponge. Manière peu
économique de faire la vaisselle si l’on considère que l’économie de savon
réalisée ne compense pas l’écoulement inutile de l’eau durant le temps du
geste. Est-ce de l’air-vaisselle ?
Parmi la grenaille se trouve une pomme de terre en forme de cœur, ce
n’est pas un hasard puisque Binh-Dû l’a choisie dans le cageot. Qu’elle se soit
développée ainsi est peut-être de l’ordre du hasard, bien qu’il soit délicat de
convoquer cette notion dès lors qu’il s’agit de l’existence des choses et des
êtres. Elle aussi sera fendue en deux avant de rejoindre la poêle.
Il y a de quoi pleurer. Les yeux picotent. La bulle ne donne pas signe
de son prochain éclatement, le cœur semble bien assuré sur ses deux
ventricules. Et pourtant... La nuit, Binh-Dû est tout près de se réveiller, ses
paupières soudées interdisent les larmes, tout son visage lunaire se plisse
dans l’imminence de la fin du monde.