jeudi 12 avril 2018

12 avril


De dos par rapport à Binh-Dû qui s’approche, un homme très grand en long manteau de cuir téléphone en marchant. On n’entend pas encore ce qu’il dit mais le dessin d’une tête de mort ressort nettement sur le cuir de vache. Le col est relevé, la nuque de l’homme inclinée, la peau de son crâne est nue. Que peut bien dire la mort au téléphone, Binh-Dû tend l’oreille : « Ici tout est tranquille... Tout le monde se connaît... C’est une ambiance de petit village... »
Voici ce que décrit l’homme d’une voix douce. Au tournant de la rue une porte de garage privé se soulève dans un chuintement huilé, accompagné du clignotement rassurant d’une loupiote. Les oiseaux chantent dans les arbres, le ciel est uniformément bleu. Les dioxydes de carbone et les particules fines sont à des taux de concentration  remarquablement bas. Un hélicoptère de la gendarmerie tourne paisiblement ses pales à moyenne altitude.
Binh-Dû se hâte de rentrer chez lui. Il ouvre la fenêtre mais ferme les rideaux pour se protéger de la réverbération du soleil sur les murs beiges des bâtiments qui l’enserrent. Ainsi il entend moins la résonance des conversations Skype du voisin d’en-dessous, lequel n’ouvre jamais ses volets ni de jour ni de nuit. Quand le voisin sort de chez lui, il veille à rabattre la capuche de son sweat par-dessus les gros écouteurs de son casque. Mais quoi que nous fassions, nous ne nous pardonnerons pas notre imprévoyance.