Bien entendu, il y a pire. Des gens qui ont fui la guerre et dont l’accueil en pays soi-disant ami se
règle à coups de matraque et jets de gaz toxique. Et il y a pire encore, il y a
toujours pire. Binh-Dû est bien chanceux d’avoir trouvé refuge dans un corps
aussi peu violenté. Et de ne pâtir que d’un registre limité de phobies
relationnelles.
Certes il se méfie de son empathie – jusqu’où risquerait-elle de le
mener ? Il garde en lisière la mémoire de l’exclusion, de la honte, du
désespoir, du froid et de la crasse, de la soif et de la maladie. Il ne sait
pas s’il pourrait supporter à nouveau les douleurs passées. Il sait que la
menace est réelle de tout perdre hors sa vulnérabilité.
Sans doute la foi demeurera. (Mais « sans doute » est un tel
déni du doute...) Dans une bibliothèque publique un homme en perdition se
raccroche à son petit pouvoir de nuisance, tentant de sauvegarder son honneur.
L’enfant était moqué, le traumatisme perdure. Il faudrait mourir à cela. Ou
poursuivre l’infinie collecte d’échappatoires.