Ce à quoi Binh-Dû aspire fait peur à celui avec qui Binh-Dû se confond. C’est une affaire interne, de lui à lui. Une extension de l’illusion autosuffisante. Il redoute cet engagement-là, cette responsabilité – d’être celui qui est aimé. Celui qui aime avec espoir de retour. Il sait qu’il ne devrait pas s’en faire, nous vivons nos vies de personnages de fiction, professe-t-il à l’envi. Les sentiers montent vers le plateau, puis ramènent au village en même temps que s’étend le crépuscule. À l’ouest les nuages rosissent, et les sables du Sahara traversent les océans. Chaque inspiration contient l’élan d’un baiser.
Hier à la même heure la masseuse se tient debout face au corps en caleçons, ferme un œil, se recule d’un pas, dit « En effet », puis s’approche afin d’en replacer les volumes. Demain elle prend des notes, ranime le souvenir d’un lointain accident de vélo contre un chariot de la criée. Sur la hanche, un petit bout de chair en moins, les thons restaient figés, l’œil glacé, la bouche ouverte. Au minimum on s’assiérait sur les rochers, attentif aux éclaboussures. Au maximum on rejoindrait le flot dans une frayée oblique. Celui avec qui Binh-Dû se confond n’est pas convaincu d’avoir peur. Il respire avec son abdomen.