Un, les orteils des hêtres sont si longs qu’on croirait marcher sur
une chevelure. Des princesses figées par un charme, il y en a tant et plus, qui
continuent de pousser quoiqu’on ne saurait l’affirmer à l’œil nu. Leurs
ongles, leurs cheveux, tout leur corps même qui s’allonge hors de proportion. Pardon
pour le sacrilège, mais c’est caresse aussi, sur le bois dur. Au village les
rangées sont plus sages, un gros homme va de platane en platane, imposant les
mains, écoutant. S’imaginant entendre ? Au bout de l’allée enfin, il va se
planter devant un présentoir de cartes postales où il compare méticuleusement un
bovidé faisant valoir que la montagne est vachement belle (dans un long
meuglement de « aaa ») et un mouton bêlant dans une bulle façon bande
dessinée. Deux pour l’incongruité. Menant à trois, dis-moi ce que tu manges, je
te dirai... Ça pourrait s’appeler le serment du pâté. Des décennies d’ingestion
vaguement écœurée de ces organes étrangers, foie, gorge, poitrine, dont les
protéines sont censées s’amalgamer aux nôtres. Eh bien ça suffit. Il y a des
limites au voisinage génétique. Que les nuits à venir, pour l’éternité, ne mêlent
plus aux odeurs faisandées des chaussettes celle de pets de porc.