Le motif est dans le tapis. Il n’est pas ailleurs. On le distingue
difficilement au début, on ne pense même pas à l’y chercher. On voit sans voir,
on foule aux pieds, on se contente de la sensation agréable de la laine contre
les plantes. Est-ce végétal ? Est-on l’animal ? Il faut se rapprocher
pour mieux percevoir, il faudrait rapetisser à l’âge enfantin, tomber sur les
genoux. Redevenir passionné du moindre rien, aussi l’ébréchure dans le parquet,
en grattant un peu chaque jour on finirait par percer un trou dans le plafond
du voisin. Ou au contraire prendre de la distance, de la hauteur, se cogner la
tête à son propre plafond. Alors tout apparaîtrait d’évidence.
Ou encore il suffit d’attendre, comme devant une eau remuée, attendre
que ça se dépose. Le motif n’est pas dans l’œil du regardeur, quoique celui-ci
s’en fustige. Quoi que l’orgueil nous susurre, dans l’embarras de ses
déguisements. La passion démiurgique est elle-même un motif, fort serviable,
une raison incitatrice, de là à la prendre pour parole d’évangile... Non, ce
qui s’est dessiné nous regarde davantage que nous ne l’avons tracé, et la seule
attitude raisonnable qu’il reste à choisir consiste à l’intégrer dans la file
continue de nos discernements. Ainsi soliloque Binh-Dû derrière l’écran de ses
paupières.