mardi 21 août 2018

21 août


Un nouveau jour se lève pour les vivants, mais les morts en restent à celui de la veille. Plus pour eux, ce ciel voilé, la menace d’un orage, ils s’en fichent pas mal de savoir s’il va éclater ou non. Ils n’en ont pas même connaissance. Le dernier jour est celui de la dernière référence, à compter de laquelle on peut commencer à faire à rebours le chemin parcouru. Comme une récapitulation, quelque chose d’aussi paisible qu’une respiration dans le lit juste avant l’endormissement, sauf qu’il n’y a plus de volonté pour inviter l’air dans les poumons, bientôt il n’y aura plus de poumons, plus de corps. Mais la présence dans l’air perdurera autour des vivants, ils nomment cela souvenir. Ils regardent un souffle de vent agiter les branches du cerisier, ils éprouvent un instant le privilège d’en être témoin, car il s’agit bien d’un événement digne d’une supplique et d’un remerciement. Mais tout est déjà vécu de ce qui reste à vivre, de même que notre mort – à nous dont les poumons s’emplissent et se désenflent et s’emplissent à nouveau – est un souvenir à retrouver. Binh-Dû parcourt dans les deux sens, à son gré, le chemin de sa vie entière, comme on feuillette un livre aimé. C’est son livre de chevet, augmenté d’annotations au crayon à papier dans les marges, un jour il le rangera dans la bibliothèque.