Un, autant se faire le devenir de la carotte. Et la
carotte sera notre devenir, une fois retournés en terre. Sérieusement, pouvons-nous
envisager la carotte, de tous les sens qui lui manquent, avec respect, et
remercier pour notre imminent appariement ? Tout est déjà écrit : nous
serons la perpétuation de la carotte de même que la carotte nous survivra.
Deux, quand les arbres se déracinent, les pierres
connaissent elles aussi des velléités de départ. Mais comme des enfants (ou des
parents) elles s’agrippent, et l’on n’est guère plus avancé. Asphyxiées par une
coulée de boue, les truites ne sont plus là pour espérer un prochain orage qui
leur épargnerait l’hameçon. Ces destins nous dépassent.
Avec tout ça, Binh-Dû en oublierait de célébrer le
paysage. Plutôt il marche sur le bas-côté de la route, s’il ne lève pas le
pouce peut-être obtiendra-t-il un « passage ». Mais non, il foule aux
pieds des mégots, jetés côté passager, et de la menthe à profusion (pousserait-elle
ici par compensation ?). Se pourrait-il qu’il n’y ait qu’un fumeur ?
(Trois, c’est une énigme. La résolution
impliquerait un homme ou une femme, revenant le soir de son travail ou s’y
rendant le matin, conduit(e) par son époux ou son épouse si c’est le matin, son
amant(e) insoupçonné(e) si c’est le soir – un(e) collègue qui habite un peu
plus loin, rendant service. Et cette personne éventuellement adultère
fumerait.)