vendredi 31 août 2018

31 août

Il arrive que Binh-Dû soit excessivement Binh-Dû. Puis il se cogne à la vitre coulissante d’une supérette de quartier – elle ne coulissait pas à la vitesse de sa propre exaltation – et laisse tomber son portefeuille d’où s’échappent tous ses justificatifs, ses cartes, ses passes et ses billets. Que ramasser en priorité ? Une pièce de deux centimes qui ne lui appartenait même pas ?
Le temps est une reconstruction, Binh-Dû peut aussi bien commencer par se rendre à la supérette. Inspecter une somme de produits qu’il n’achètera pas, pour des motifs déjà maintes fois visités. Les magasins d’alimentation sont des lieux de compassion où les regards hésitent à se croiser, où chacun piétine en son for intérieur, en course vaine contre la péremption.
De retour chez lui, Binh-Dû se prend pour un gourou à barbe blanche à qui ses disciples offrent du faux chocolat. Entre ses mains le sucre se transcende, et c’est avec un sentiment d’absolue bienveillance que le gourou redistribue aux fidèles le chocolat. Mais qu’en est-il en réalité ? Qui, du gourou ou du disciple, entend le plus justement la petite musique ?