Que signifie
un ouvrier du bâtiment à qui l’on dit bonjour alors qu’il apparaît dans
l’encadrement de la fenêtre, voûté et ahanant sous le poids d’un escabeau porté
cahin-caha en haut de l’escalier extérieur, et qui passe sans même répondre
d’un grognement ou d’un signe de tête ? Il a l’air de penser pis que
pendre de ce qu’un bref coup d’œil lui a permis d’apercevoir chez vous, de
vous-même qui le regardiez au travail, mais peut-être n’a-t-il pas entendu
votre salut, peut-être ne vous a-t-il pas vu, aveuglé par l’effort, peut-être
n’a-t-il pas pu hocher la tête, le cou tendu pour résister au poids de sa
charge, peut-être a-t-il grogné un bonjour qui s’est confondu avec son
ahanement ? Trois heures plus tard il range ses outils dans sa camionnette
quand vous descendez de votre vélo, en sueur et à bout de souffle, vous
grimacez un sourire quand il vous reconnaît derrière vos lunettes noires, et là
encore il ne répond pas, qu’est-ce que cela signifie ? N’aime-t-il pas les
cyclistes, êtes-vous si essoufflé que votre sourire ressemble à un rictus
hostile ? Ou décidément, les remplacements de tuyauterie dans les salles
de bain exiguës sont une tannée, surtout quand il faut en prime bricoler tout
un nouveau système de fixation et qu’on est déjà en retard sur le
planning ? Est-il toujours aussi antipathique ? Méritez-vous son dédain ?
Était-il objectivement lourd, cet escabeau ? Y a-t-il quoi que ce soit
d’objectif, hors la fuite sous l’évier du voisin ?