Ailleurs c’est demain, et aujourd’hui pourrait être un moment
d’insolence. L’insolence est une réponse, rumine Binh-Dû qui n’a pas articulé
un son depuis trois jours. D’ailleurs, pourquoi ne pas mugir ? Être la
vache qui cherche à attraper sa queue. Écraser une mouche en tombant sur le
cul. Dans la boue déduire une direction marquée par l’empreinte de sabots.
Partir à l’aventure sans savoir si les traces sont celles d’une autre vache ou
bien les siennes, car on ne se souvient pas de tout, il se pourrait que Binh-Dû
reprenne constamment la même quête.
L’insolence, donc, sur le dos
d’une vache. L’insolence est le doigt pointé du soleil. C’est plonger dans la
saturation des couleurs, ne plus craindre de se faire tanner le cuir, que
toujours brille l’œil humide d’une intensité aux infinis chromatismes, et
toujours suive le rire, tant on n’est pas sur Terre pour se lamenter de devoir
la quitter. Un amour offert ne se refuse pas, se souvient Binh-Dû, sous le
petit pont coule la rivière où fut confiée une promesse. Dans l’eau glacée
enfoncer le pied qui émergera guéri, par la réitération des miracles.