Le sourire le plus franc est un mystère. Il y a une vérité cachée
derrière, qui ne passe pas par les mots, soient-ils seulement pensés. Ceux qui
sourient, eux-mêmes ignorent l’étendue de ce qu’ils savent. C’est une
connaissance lointaine, transmise au fil des générations à l’insu de ses
gardiens, l’idée originelle que nous serions tous frères. À chacun de nous, naissance
a été donnée, et depuis lors les sourires qu’on nous adresse perpétuent ce don,
nous voudrions confusément nous blottir contre le sein d’une mère.
Vient l’attente, qui semble ne pouvoir jamais être comblée. On s’en
satisfait dans un mouvement de flux et de reflux. On s’y complaît parfois, à
distance les filles sont déjà si jolies ! On va de trop tard en trop tard,
et cela pourrait durer toute une vie. Mais se dégager du flux est une autre
affaire. La fougère devient fossile, on passe au temps géologique, on se perd
dans le temps cosmique. Y a-t-il encore quelqu’un par ici, pour un sourire qui
ne soit distraction ou réflexe reptilien, sommes-nous encore de ce monde ?