vendredi 1 juin 2018

1er juin


Mais tout de même, jusqu’où vouloir l’autonomie ? se récrie Binh-Dû au milieu d’une journée sans surprise. Il est en sécurité. Il se couche dans le même lit que celui dans lequel il s’est couché la veille, et même durant la journée il s’y installe pour travailler devant l’écran de son ordinateur portable. La moins portable des choses présentes dans sa chambre semble parfois être Binh-Dû lui-même, qui lorsqu’il n’a pas mal au pied a mal autre part. Et quand il quitte sa chambre pour l’au-dehors, le contenu de sa tête lui paraît un million de fois plus lourd qu’un ordinateur portable. L’autonomie c’est un niveau de batterie, celle de Binh-Dû s’épuise, il y a fuite, déperdition de veille, cent jours c’est mille jours en perspective, et la mort nous séparera vaincus. Dans la ville, les gens qui se côtoient parfois de très près mâchent de la nourriture gâtée, sucent du sucre, s’accrochent à ce qui insidieusement les excite et les meurtrit. Ou nous abrutit, c’est égal. Nous allons d’une drogue à une autre et ce n’est même pas de la bonne came. Ceux qu’on aime parce qu’ils éclaircissent notre atmosphère, a-t-on le droit de s’en tenir éloignés ? Faut-il se priver d’eux afin de n’en pas dépendre ? Binh-Dû range ses courses puis éparpille dans la casserole un faisceau de spaghettis.