Binh-Dû est en pleine dégénérescence dynamique. Au moment de se le
formuler ainsi, il comprenait très bien de quoi il voulait parler, à présent
cela lui semble quelque peu abscons. Y aurait-il un processus dégénératif qui
ne fût pas dynamique ? D’un ordre plutôt agglomératif alors ?
L’empilement de strates successives sur la structure, jusqu’à étouffement
complet... Ou bien il y aurait à concevoir la distinction entre un dynamisme
centripète menant à l’éparpillement fatal et un dynamisme centrifuge qui au
final fige la purée dans l’assiette. Binh-Dû se voit bien dans la purée, en
danger d’implosion mais aussi dans la désagrégation progressive de ses
garde-fous. D’ici à guetter la folie...
Son voisin téléphone sur les marches d’accès à leur terrasse commune,
vite un coup de rideau pour l’effacer, leurs regards ont néanmoins le temps de
se croiser. Des deux, qui est le plus cinglé ? Qui dégénère à bloc ?
Binh-Dû retourne à son écran, il se hâte d’identifier les mots brillants qui
défilent de haut en bas, sans doute leur message est-il très intéressant mais
il n’en retient rien. Il n’y arrive plus. Il résiste pourtant à son délitement,
se concentre : ça parle de bienveillance, d’écoute sensible, de
respiration avec le cœur. De politesse, de confiance, d’engagement constructif.
Tout va bien, quoi qu’il se passe et de toute éternité. Dans une autre vie, Binh-Dû
s’en irait fendre des bûches.