mardi 29 mai 2018
29 mai
Binh-Dû
a non seulement mal au pied mais aux oreilles. Un jeune homme qui pourrait être
son fils chante à la radio des souvenirs d’un temps jadis qui serait celui de
l’innocence, des espérances, de la candeur et de la vulnérabilité blessées. Le
jeune homme quand il était plus jeune encore courait les prés derrière la
chevelure légère d’une vilaine de toute
beauté pour qui il aurait donné son cœur, sa mère, sa vie, mais à présent il a
compris la leçon – l’amour fait la dupe. Et de gémir avec sa belle gueule
et son corps en parfait état de marche. Pauvre chou. Binh-Dû a non seulement
mal aux oreilles mais des aigreurs à l’estomac. Les déclamations de ces gamins aux
souvenirs rancis l’agacent de plus en plus, ils pérorent comme on radote, ils s’imaginent inventer leur génération. Pour qui se
prennent-ils, l’esprit de jeunesse c’était encore valable au siècle dernier quand Binh-Dû avait une vingtaine d’années, mais après lui fut le déluge, on ne
les a pas prévenus ? Tiens, encore un, celui-ci écrit des romans compilés de vulgarité, d'humour dramatique et de visions creuses, Binh-Dû le hait d’emblée. Binh-Dû ne va pas bien du tout.
Binh-Dû traverse une mauvaise passe. Tout lui semble vanité, du tout-venant
qu’il observe. Il a fait le tour de son savoir, il maugrée en haut de sa
colline. Il se gratte un poil incarné sur la joue.