mercredi 30 mai 2018

30 mai


Peut-être Binh-Dû devrait-il entamer un dialogue avec son père. Certes, l’un des deux est vraisemblablement décédé (si ce n’est toi, c’est donc ton père), mais est-ce un si grand empêchement ? Salut Papa, comment va la cavale ? Raconte-moi un peu ce qui t’est passé par la tête quand tu as raccroché le téléphone après qu’on s’est parlé pour la dernière fois ? As-tu pris une décision à ce moment-là, du type Je ne veux plus jamais avoir affaire à cet adolescent ingrat ? Tout bien réfléchi, nul besoin d’un dialogue, Binh-Dû n’a que des questions à poser et il ne croirait à aucune réponse.
Les fils sont ingrats, c’est dans leur nature. Ils ne se souviennent pas de ce qu’ils n’ont pas connu. Et ce pourquoi ils devraient éprouver un minimum de reconnaissance s’évanouit dans la confusion de leurs plus passionnantes érections. Binh-Dû boitille jusqu’au frigidaire, il ne reste plus de petit pot de compote pommes-poires. C’est comme si on lui enfonçait une épingle en plein centre de sa plante, ou une aiguille à tricoter, ou un clou de menuisier. Pile à l’emplacement où saigneront les stigmates. A l’horizontale il retourne se jeter sur son matelas, lécher sa plaie.