Peut-être Binh-Dû devrait-il entamer un dialogue avec son père. Certes,
l’un des deux est vraisemblablement décédé (si ce n’est toi, c’est donc ton
père), mais est-ce un si grand empêchement ? Salut Papa, comment va la cavale ?
Raconte-moi un peu ce qui t’est passé par la tête quand tu as raccroché le
téléphone après qu’on s’est parlé pour la dernière fois ? As-tu pris une
décision à ce moment-là, du type Je ne veux plus jamais avoir affaire à cet
adolescent ingrat ? Tout bien réfléchi, nul besoin d’un dialogue, Binh-Dû n’a que des
questions à poser et il ne croirait à aucune réponse.
Les fils sont ingrats, c’est dans leur nature. Ils ne se souviennent
pas de ce qu’ils n’ont pas connu. Et ce pourquoi ils devraient éprouver un
minimum de reconnaissance s’évanouit dans la confusion de leurs plus
passionnantes érections. Binh-Dû boitille jusqu’au frigidaire, il ne reste plus
de petit pot de compote pommes-poires. C’est comme si on lui enfonçait une
épingle en plein centre de sa plante, ou une aiguille à tricoter, ou un clou de
menuisier. Pile à l’emplacement où saigneront les stigmates. A l’horizontale il
retourne se jeter sur son matelas, lécher sa plaie.