mardi 8 mai 2018

8 mai

Binh-Dû pourrait raconter l’histoire d’un autre. Quelqu’un qui ne porterait pas de casquette sur sa tête malgré le soleil qui tape, ou qui serait surchargé de muscles, ou qui vivrait dans une grotte et répéterait aux visiteurs un unique mot absurde, ou qui se désolerait d’avoir oublié une fois encore d’aller se promener.
Non, il ne le pourrait pas. Il regarde rire une jeune femme en voiture, assise à l’avant, qui se retourne à demi pour parler avec son frère, tandis que le conducteur fixe la route devant lui – et il sait auquel des trois s’identifier. Les passagers rient ensemble à présent, chacun de son côté, leur plaisir est une indéniable manifestation physique.
Binh-Dû doit réfléchir à la question quand on lui demande s’il a froid, et il n’est jamais sûr de donner une réponse honnête. Non qu’il veuille tromper son monde. Ce serait plutôt le monde qui le met dans le doute, est-ce que j’ai faim, est-ce que j’ai sommeil, est-ce que je m’ennuie ? Il préfère poser que tout va bien, et en conséquence se détendre un peu.