Binh-Dû a tellement hâte que les martinets reviennent dans sa ville
après leur périple migrateur qu’il les entend s’égailler dans le ciel, comme
apparus soudain au bout d’un couloir de l’espace-temps. Mais il a beau tendre
le cou, il ne voit que des nuages, et le vol triste d’un pigeon. Ce n’est pas
encore pour aujourd’hui.
D’ailleurs voici qu’une averse s’abat sur les têtes. À l’abri dans la
médiathèque, il entend cette fois des cris moqueurs, la cavalcade d’une bande
d’adolescents qui insultent le vigile en le traitant de « crâne
d’œuf ». Certes il est chauve mais il est surtout noir.
Ce n’est pas si commun. Un petit homme jogge dans les flaques alors que
le soleil revient, il est torse nu, son torse blanc impeccablement sculpté, il
semble s’agripper aux sangles de son sac à dos à bandes fluorescentes.
Au feu rouge le coureur trottine en surplace, il ne semble pas trop
savoir où aller, tel un jouet mécanique. Un semi-clochard le dépasse dans un
son d’apocalypse, sa radio portative à la main. Binh-Dû fronce les sourcils, ensuite
il regrette.
Chez lui il brise un ramequin en verre sur le carrelage de la cuisine,
à genoux il ramasse les éclats. La nuit est tombée. Une mite volette au ras du
plafond, comme en redéfinition des pôles. Les esquilles brillent sous la lampe.
Il éteint.