Un jour les
chiens seront toute la joie qu’il nous restera. La barque se sera échouée sur
l’île, Alma aura mobilisé ses dernières forces pour la hisser de quelques
centimètres sur le sable. Avant de se laisser tomber, d’apaiser le vertige.
S’il y avait de l’eau, il n’y aurait pas besoin de chien, raisonne-t-elle
absurdement. Si le soleil ne brûlait pas ma nuque, je pourrais me retourner sur
le dos et regarder le ciel en face. Si Corpus n’avait pas été aussi fort, c’est
lui qui serait sorti le premier de la barque pour explorer les alentours.
Mais quoi que Binh-Dû redoute, la joie ne
saurait mourir ni les forces s’épuiser. En rouvrant un
œil, Alma aperçoit un cocotier qui penche comme une invitation. Elle se remet
debout sur ses deux pieds, accommode sa relation au ciel. En arrière de la
plage, la végétation est luxuriante et les animaux nombreux, leurs cris
supplantent le bruissement des vagues à mesure qu’Alma s’avance. Les perroquets
surtout sont assourdissants. On dirait qu’ils veulent l’avertir de quelque
chose. Mais ce n’est peut-être que déjà-vu.