La nuit crisse
sous les pas, dans un halo orangé. Binh-Dû ne touche pas le sol, il marche sur
un coussin de neige que compacte son poids d’homme, comme une confirmation
d’existence. Et dire que l’hiver avait failli passer ! Et l’on se serait
retrouvé au printemps sans savoir d’où l’on venait. Et l’on aurait filé vers
l’été dans la précipitation des jonquilles.
Il suffit de
tendre la main pour que s’y niche une boule délicate, friable puis dure et
glaciale. Il faudrait peu de temps pour modeler un bonhomme – manquent les
enfants qui à cette heure dorment. Le ciel est un dôme réverbérant, les flocons
qui retombent se sont peut-être heurtés à une paroi concave, tout
là-haut ? Ils s’échouent à présent sur les globes oculaires.
Et sur le bonnet
de Binh-Dû, qui pèse de plus en plus. Bientôt l’homme deviendra bonhomme,
fausse-route de l’évolution. Engoncé dans son propre froid, espérant que plus
rien ne bouge. Les arbres redessinent les contours de leurs branches, une
beauté de siècles passés se rappelle à la vanité des saccages. Braves gens,
dormez en paix.