mercredi 6 février 2019

6 février


                La nuit crisse sous les pas, dans un halo orangé. Binh-Dû ne touche pas le sol, il marche sur un coussin de neige que compacte son poids d’homme, comme une confirmation d’existence. Et dire que l’hiver avait failli passer ! Et l’on se serait retrouvé au printemps sans savoir d’où l’on venait. Et l’on aurait filé vers l’été dans la précipitation des jonquilles.
                Il suffit de tendre la main pour que s’y niche une boule délicate, friable puis dure et glaciale. Il faudrait peu de temps pour modeler un bonhomme – manquent les enfants qui à cette heure dorment. Le ciel est un dôme réverbérant, les flocons qui retombent se sont peut-être heurtés à une paroi concave, tout là-haut ? Ils s’échouent à présent sur les globes oculaires.
                Et sur le bonnet de Binh-Dû, qui pèse de plus en plus. Bientôt l’homme deviendra bonhomme, fausse-route de l’évolution. Engoncé dans son propre froid, espérant que plus rien ne bouge. Les arbres redessinent les contours de leurs branches, une beauté de siècles passés se rappelle à la vanité des saccages. Braves gens, dormez en paix.