Là où il
y a un savoir il y a une action, philosophe Binh-Dû dans son sommeil. Cela sonne mieux
en espagnol. C’est peut-être un dicton entendu il y a longtemps et qui
resurgit à l’improviste. Le téléphone sonne mieux quand c’est une personne
aimée qui appelle. Mon amie la plus chère,
a dit Binh-Dû un jour, et il lui est apparu que c’était insultant pour tout le
monde. Maintenant il s’entraîne à ne plus réagir, tout en s’inquiétant du
message envoyé à lui-même. Laisser sonner. Les oiseaux picorent sur la pelouse
des étoiles givrées, à peine dénaturés.
Il est
dangereux de sous-estimer la mélancolie. On se retrouve à méditer-léviter à
quelques centimètres au-dessus du sol, ce qui en soi n’est pas désagréable,
mais c’est une habitude dont il sera difficile de se libérer. Vivre en léger
décalage par rapport à soi, même les ombres s’en trouvent perturbées. Nous aurons bientôt la possibilité de composer des numéros surtaxés qui offriront de parler à
des opérateurs/trices 100% humains. Zéro trace de robot, charte de qualité
oblige. On appellera cela le sexe nature, quel que soit le motif de
l’appel.
Sur
l’île il n’y a pas de téléphone. Mais il y a de gros chiens noirs. Ils entrent
dans les huttes, grimpent même à l’étage par les échelles. Au début, Corpus et
Alma étaient surpris, puis ils se sont habitués. Les habitants sont surtout
intéressés par Alma, il semble que ce soit depuis qu’ils ont compris qu’Alma
était son nom. Elle ne se l’explique pas. Corpus non plus, dont la force
physique est négligée. Lui qui est né orphelin fait des rêves étranges où il se
retrouve petit garçon et doit frapper son père au visage pour qu’il lâche son
bras.