Plus la
conversation se poursuit, plus le smartphone pèse dans la main de Binh-Dû.
L’écran est lisse comme un lac où se noyer, et l’eau lourde, si lourde. Il y a
quelque chose qui résiste, à l’intérieur même de cet objet plat, ou plutôt
quelque chose qui tire en direction de l’autre téléphone à des kilomètres de
là, tu n’entends pas ? Comme un
aimant. Binh-Dû tire de son côté. Il se souvient d’un bricolage d’enfant, deux
boîtes de conserve reliées par un fil qu’il fallait tendre au maximum, l’effort
même incitait à parler plus fort.
Un poisson
va-t-il jaillir des profondeurs, énorme, qui rendra tout échange de mots
impossible ? L’interlocutrice de Binh-Dû, perdue de vue des années auparavant,
lui fait part de son sentiment de vertige à mesure qu’elle s’approche d’une
décision radicale. Il comprend, il a pour sa part accosté sur la rive du
lâcher-prise mais il connaît le vertige quand il se penche en arrière. Et toi c’est en avant que tu penches,
explique-t-il, soucieux tout de même de ne pas se donner en exemple. Soudain le
smartphone se disloque.