Un jour
l’essence, il n’y en aura plus. Ou alors quelques fonds de cuve, dans les rues
les hommes les plus costauds pousseront leur voiture par la portière vers une
prochaine station-service. Ils auront l’air malin ! Binh-Dû se demandera
quoi faire, lui qui n’aura plus de voiture. Car la nourriture aussi viendra à
manquer. Et l’électricité. Et l’eau. Dans le tiroir de sa chambre il
rassemblera des crayons à papier oubliés depuis des lustres, il n’oubliera pas
le canif pour les tailler. Crève, si tu
refuses la providence ! hurlera la voix folle dans sa tête.
Alma observe son
corps nu qui flotte dans la marmite du diable. Les orteils dépassent tout au
bout, ses genoux, et ses seins attirés sans doute par la lune. Au début, il
s’agissait seulement de se laver de tout ce sel avant de retourner veiller
Corpus. Elle remarque avec curiosité que ses doigts ne se fripent pas de même
avec l’eau de mer et avec l’eau douce. À ses oreilles le son de la cascade
aussi délasse – du clapot incessant des vagues contre les flancs de la barque.
Le bidon qu’elle a trouvé la veille sur la laisse leur sera bien utile, il n’a
pas du tout un goût de pollution.