Binh-Dû retire de sa paume une longue plume de héron qui s’y était
fichée, et la contusion violacée s’efface. Ce n’était donc que cela. Il tient
en réserve les mots qui pourraient s’écrire. Ceux qui se font entendre sont de
trop, à quoi bon toujours commenter l’expérience ? Que l’on parle à
l’autre ou que l’on parle à soi, l’effet est superflu. Le silence recèle de la
musique le secret, et des mathématiques, et de la danse des hormones. On n’y
comprend rien et on y entend tout. Ou le contraire. On plonge dans un
tourbillon d’intuitions qui n'ont cure d’être vérifiées. On y guérit surtout,
comme une descente de croix – celle-ci aussitôt remportée sur l’épaule –, puis
de la colline, et ainsi à rebours jusqu’au souffle magique sur un stigmate
d’enfant tombé. Mais une fois revenus à la source, à l’étang où frétillent
paisibles de petits poissons, une fois réconciliés – croit-on – avec la théorie
de nos mauvais choix et de nos avanies, ne manque-t-il pas tout de même quelque
chose ? Quelqu’un d’autre ? Celui qui dira à Binh-Dû qu’il n’est pas
encore au bout de ses joies ni de ses peines, sa voix résonnera à l’air libre.
Et vaudra confirmation.