La fiction sera
le seul recours, elle l’est déjà. Quand Binh-Dû remplit son devoir d’existence
il rigole en coin, il se croit plus malin que tout le monde. Il les observe,
les pauvres hères, courir de projet en projet, comme si le suivant pouvait
annuler la distance séparant du précédent – leur illusion d’éternité. Chaque
choix un clou de cercueil. Il se croit plus malin parce qu’il s’imagine qu’il
mourra en dernier, la belle affaire. Ou peut-être qu’il ne mourra pas du tout,
cela dépendra de ce qu’il voudra se raconter à l’ultime bord de la fin du monde.
Mais tout ceci
n’est que divagations de nanti. Va-t'en survivre dans un bidonville que
menacent les cyclones, et on en reparlera. À sa décharge, Binh-Dû possède, en
son pays riche, moins que la moyenne – condition pour supporter le poids
de sa mauvaise conscience. C’est pour lui la moindre des choses – en quoi
il n’est guère plus intelligent qu’un imbécile ! Et il se rassure à coups
de points d’exclamation, bientôt on le verra frapper dans ses mains, chanter
Hosannah ou Krishna, et sur ses joues couleront des larmes de bienheureux. Par défaut ?