Seuls
les animaux vivent heureux cachés, leur vie durant. Et s’ils éprouvent le
besoin d’émettre des sons ils se dispensent bien de parler. Corpus est muet,
c’est entendu, pour Alma il y a doute : son silence est peut-être une
simple préférence. Tous deux ont été soulagés de découvrir que l’île où ils
avaient abordé n’était pas déserte. Ils se sont fait des amis discrets, qui de
toute façon s’expriment en une langue étrangère. C’est comme une musique, un
chant d’oiseaux. Parfois Alma se dit Voilà les oiseaux et parfois elle se dit
Voilà les gens.
Corpus
les entend aussi, il n’est pas sourd. Mais il continue de faire ce qu’il a
entrepris. Souvent ce n’est pas grand-chose, un bricolage, ou même moins :
une contemplation. La nature sur l’île est splendide, et il y a l’horizon vers
lequel on peut se tourner à tout moment. Les insulaires semblent curieux de
savoir ce qui se passe là-bas, de l’autre côté, mais comment leur dire ?
Alma rit des mimiques et des gestes qu’ils échangent, Corpus s’y met aussi – à
faire des gestes. Il est très sérieux. S'il était parmi eux, Binh-Dû comprendrait N’y allez pas.