dimanche 3 février 2019

3 février


         Binh-Dû avait cessé de compter les jours, il y en avait trop, il y en eut cent-cinquante-neuf. Il ne s’en serait pas douté, au déclenchement du chronomètre. Elle non plus, celle qui était amoureuse un peu, beaucoup, trop. Mais voilà, arrive ce jour où ils se retrouvent, elle gravit les quelques marches qui les séparent, c’est très cinématographique mais l’idée tacite est de n’en rien révéler aux témoins ni à eux-mêmes, il lui tend un billet d’entrée, ce serait très symbolique mais ils n’ont pas le temps de s’y arrêter, déjà la sonnerie du dernier appel retentit. Ils prennent place. Ils écoutent, regardent, applaudissent, ils rejoignent des amis de Binh-Dû au café, qu’il n’a plus vus depuis... trois cents jours ? Davantage ?
         La vie ordinaire, ce serait cela, de loin en loin se voir, se reconnaître, se rassurer, sans paniquer à la pensée du peu d’occasions qu’il reste de se témoigner un amour mutuel. Car on imploserait sinon, ces instants ne pourraient contenir autant d'intensité. Binh-Dû et son amie repartent dans le vent et la pluie, ce serait très romantique s’ils se rapprochaient pour se tenir chaud. Dans la chambre où il choisit leur sachet de tisane, ils parlent doucement pour ne pas réveiller la voisine. Ils ont toujours des choses à se raconter, qu’ils ne confieraient pas à d’autres. C’est unique. Je ne suis que singulière, corrige-t-elle quand il parle d’exception. Ils sont faits de la même souffrance. Ils se comprennent si bien. Et pourtant non.