Les feuilles mortes jonchent le sol comme un tapis d’apparat, comme si
la lumière du soleil, tamisée par les frondaisons, s’était déposée sur la
terre, variation parmi celles incluant la neige, la tristesse ou la joie. Bref,
c’est l’automne. La saison des disséminations inversées.
Comment vivrions-nous la disparition de nos sujets d’admiration, tous
ces êtres qui, par la grâce de leur célébrité, peuplent notre imaginaire, ces
références qui s’appartiennent si peu désormais qu’on ne peut s’empêcher de
trouver ressemblance dans les corps, les intonations de tel ou tel de nos
proches ?
Comment vivrions-nous la décimation ? Tomberions-nous au sol,
chacun à sa manière, les genoux qui fléchissent, le bras qui retient, la tête
qui cogne ? Nous endormirions-nous, seule parade possible pour amortir le
choc ? Aurions-nous à ce point horreur du vide que nous désignerions aussitôt
d’autres idoles ?
Dans la forêt, la pente trace un raccourci sur lequel Binh-Dû se laisse
glisser, il arrivera aussi vite en bas que les familles à roues et à roulettes
au terme de leurs circonvolutions. Il
aura évité moult passages obligés. Il finira fier, comptant ses bleus. Il
ouvrira ses rideaux à la lune.