Jusqu’où
avoir peur, hors de la matrice ? Hors de la matrice, c’est encore la
matrice. Le soleil passe dans l’encadrement de la fenêtre, dans le chalet les
lattes du parquet convergent en ligne de fuite. Quand la nuit sera tombée et
toutes les portes refermées, la neige descendra recouvrir les arbres et les
pelouses puis elle se transformera en pluie tombant des branches sur les
bonnets. Mais pour l’heure Binh-Dû ne s’en doute pas. Il ignore également qu’il
ira dans l’après-midi acheter du porc en batterie et des pommes ignifugées. Sur
l’éventail des pollutions, certaines semblent accessoires. Vaut-il mieux
déraper comme en rêve et s’encastrer sous une voiture ? Non, il se tient
debout en chaussettes sur le parquet, derrière le trait de scotch, sous la
mitraille et un second soleil artificiel. Son quant-à-soi au garde-à-vous cille
à chaque crépitement, ainsi seulement aurait-il refusé le bandeau sur les yeux.
Est-il si périlleux d’être convaincu de sa propre existence, preuve inscrite
dans le viseur ? La salle est pleine pour la générale, les danseurs
ressortent en moirures sombres sur le fond blanc. On retient son souffle à
l’amorce des mouvements. Binh-Dû est sorti du chalet, il croise les doigts. Et
puis il se détend, il sourit même en grand, personne ne le regarde.