Dans un souci de promptitude et d’efficacité gestuelle, Binh-Dû s’est
élancé vers la porte de la salle de bains, lustrant d’une glissade fendue le
parquet. Il s’est rattrapé à la poignée, a ouvert vers l’extérieur, s’apprêtait
à atteindre le carrelage quand sa chaussette s’est accrochée à un clou dépassant
subrepticement de la porte, rabattant violemment celle-ci sur le torse en plein
élan.
C’est dommage, alors qu’il avait justement l’intention, non seulement
d’être vif et précis, mais aussi de revenir à des considérations d’ample
respiration, plus factuelles, une matérialité de danseurs modèles relevant ici
un bras, là une jambe, affinant le tableau, orientant les regards, de
plain-pied avec la réalité de l’extra-quotidien – mais sans heurt, en
douceur !
Au lieu de quoi, Binh-Dû se blottit contre le radiateur, n’osant plus trop
bouger. Il ébauche une paresseuse théorie de l’effleurement, susceptible de
revisiter tout le parcours d’une existence. Il a vaguement faim, l’image lui
vient d’un pot de yoghourt aromatisé à la framboise, à moitié entamé, dans
lequel une chenille aveugle attend que lui poussent des ailes.