Comme un devoir failli : le contrôleur de compteurs a frappé ce
matin et Binh-Dû, échaudé par le souvenir confus de chiens, chats et voisins
bondissant par la fenêtre dans sa garçonnière, a négligé de se lever pour
ouvrir la porte. Il a préféré continuer à compter les pièces d’un jeu de
mahjong dont le seul vice était l’infinité des solutions offertes.
Peut-être était-ce demain déjà, ou l’an passé, ou l’an prochain, tout
dépend d’où l’on se situe sur la roue cosmique. Certains Parisiens empruntent
tous les jours ouvrés à la même heure les transports en commun pour avancer
dans le cercle, puis revenir en arrière, le soir venu. Ils s’immergent dans
leur écran. Ils croient avoir gagné un peu de liberté.
Bien au chaud dans son landau, un bébé dort. Binh-Dû détaille le dessin
de ses lèvres afin de réapprendre à sourire. La capote transparente qui isole
l’enfant de l’affluence est constellée de gouttes de pluie, risque-t-il
l’asphyxie ? À chaque arrêt du tram, Binh-Dû chaparde deux ou trois
goulées d’oxygène. En sortant, la mère lui sourit, non sans séduction.