Dans sa jeunesse Binh-Dû était camé. Il se souvient, il s’était rendu
maître de ses shoots, ce qui revenait à en être tout à fait esclave. Il aurait
prétendu gérer, comme ses pairs. Il lui fallait sa dose, entrer dans l’état, ensuite il se sentait fort,
capable de doubler, de troubler, d’épuiser le produit, et même mourir il n’en
avait plus peur.
Ainsi jugulait-il la colère, ainsi noyait-il le désespoir. (Il était
dramatique, il l’est toujours quand il évoque cette période. On est pour
toujours un drogué une fois qu’on l’a été.) La colère frappe encore aux parois
de son cœur. Il rechute, par sollicitude envers lui-même – ne sois pas si dur
avec toi, laisse-toi aller, fais-toi plaisir...
(On ne vieillit pas dès lors qu’on est mort une première fois.) Les
nouvelles douleurs de Binh-Dû lui apprennent qu’il n’est pas éternel. À
celles-là il oppose sa farouche volonté de jeunesse. Mais le revers du revers
est un miroir qui lui est tendu, seras-tu enfin de ton âge ? Jamais !
fanfaronne-t-il. Alors le drame manque de virer au tragique.