Binh-Dû nettoie une quatrième éponge, étonné qu’il y en ait autant.
Sans compter celle dont il se sert pour nettoyer les éponges. Au moins
n’a-t-il pas à leur faire de la place sur l’égouttoir, un coup de pression et
hop, directement sur le plan de travail. À charge pour le propriétaire des
lieux de repérer laquelle sert à quoi, la rouge déguenillée, les deux vertes
dont l’une est bizarrement découpée, la bleue impeccable et celle trouvée dans
l’évier parmi la vaisselle sale, mais était-ce la bonne, était-ce l’éponge à
vaisselle ? Jusqu’où intervenir dans les habitudes des autres ?
Aurait-il dû laver le savon ? Il n’y a plus aucune feuille sur le
cerisier. L’an passé elles étaient restées plus longtemps et le temps avait été
plus froid. En avançant en âge Binh-Dû relâche ses principes hygiénistes,
oiseaux en cage qui dressent le dresseur. Il ne se satisfait pas de rognures de
thé en sachet mais il n’a pas besoin de
thé, et surtout pas à heure fixe. Il n’a pas vraiment d’heure fixe. Il n’a pas
besoin de ce qui lui manque. Et il pourrait se dispenser de faire une partie de
mahjong solitaire qui lui ponctionne plus d’énergie qu’un battement d’ailes de
canard sur le lac.