Sa bonne amie et lui sont couchés dans des lits jumeaux plaqués l’un
contre l’autre, elle dort, il pose la main comme par hasard sur son bras à
elle, qui se rapproche, elle se rapproche à l’embrasser, elle l’embrasse. Elle
le frappe, le repousse, « Ne refais jamais ça ! » Ou elle le
frappe d’abord, « Ne refais jamais ça ! » avant de
l’embrasser ? Ou c’est lui qui la frappe, juste un peu plus qu’une
caresse, parce qu’elle lui a brisé une demi-douzaine de dents ? À moins
qu’il ne craigne qu’elle le morde au terme de leur baiser ? L’absence est
une violence.
Binh-Dû n’a pas le goût du sang. En plus ce n’était pas elle mais une
autre, blonde ou brune c’est égal ? L’amoureuse qu’il aimait a disparu, à
croire qu’elle ne l’aimait pas vraiment. Elle subsiste au-delà du cercle de
pluie, espère-t-il, dans une liberté où il serait indésirable, et dans l’enclos
de mots refermés. Il lui revient, à lui, de se taire. De ne plus exercer nulle
puissance, seulement une secrète bienveillance. De ne pas même chercher à
comprendre. De ne pas se défendre. De ne pas se permettre. Il lui revient de
disparaître en miroir inversé.