Le tigre qui feulait dans l’enclos déploie soudain son corps et de ses
griffes déchire la poitrine de Binh-Dû. Cela ne fait pas aussi mal qu’on
pourrait le croire, c’est même libératoire en un sens, mais cela n’en reste pas
moins effrayant. L’irruption du drame, issu du ludique. Depuis qu’il a perçu la
sauvagerie folle dans l’œil d’un chat, Binh-Dû se méfie.
S’il avait attendu de côtoyer des chats pour se méfier... Dans sa
jeunesse, il montait en courant au sixième étage pour échapper à des
poursuivants imaginaires. Il collectionnait les clefs. Il s’entraînait à ne pas
respirer. Il souriait plus que de raison. Ses animaux en peluche étaient
marqués d’un disque de feutre rouge fluorescent apposé sur le front.
Vous n’êtes pas si énervé, lui affirme sa "référente" en
lui serrant la main. La remarque est aimable, conclusion d’un entretien qui
s’est déroulé selon des standards acceptables. Certes, il pourrait davantage
manifester ses désaccords. Enfant déjà, il ne savait pas trépigner, hurler ni
casser des objets. Il filait droit. Il allait se coucher, rattraper du sommeil
en retard.