Il se hâte sans se préoccuper de la direction. Dans les rues de Paris,
la nuit, il faut donner l’impression qu’on sait où l’on va. Arrivé à l’une des
portes de la ville, Binh-Dû s’aperçoit qu’il est parti à l’opposé de là où il
voulait se rendre. Bientôt il n’y aura plus de métro, il s’engouffre dans la
bouche. Il grimpe au hasard dans le dernier qui part.
Mais où Binh-Dû voulait-il aller ? À cette heure il ferait mieux
de rentrer chez lui. En cette saison où l’on ne dort pas sur les plages. Il se
souvient, il désirait se promener parmi les crabes à Mahabalipuram. Il ne se
souvient plus du tout s’il s’agit d’un souvenir ou d’un rêve ou d’encore autre
chose qui n’est tout de même pas à portée immédiate.
Choisirait-il l’éternité auprès de la
femme aimée plus qu’aucune autre au monde, ou préférerait-il poursuivre
l'inconstante aventure du vieillissement ? La réponse ne va pas de soi, de même le lapin
aux pommes de terre n’a pas le même goût selon qu’on le cuisine en cocote ou à
la poêle. L’éternité ne laisse d’autre issue que le suicide, est-ce
désirable ?