Toujours vaut-il mieux écrire sa biographie que sa nécrologie !
Et prononcer un éloge plutôt que de n’avoir plus de courant dans la langue.
Binh-Dû pousse un gémissement après les mots « bienveillance
déterminée », comme s’il jouissait. Dans le théâtre, les fauteuils vides
sont cassés et les travées jonchées d’emballages de cochonneries. Son téléphone
devrait sonner. Mais peut-être n’a-t-il pas trouvé la bonne formulation ?
Dans un autre éloge, anthume celui-ci, il parlait d’ouverture et de fermeté, les
flûtistes en salivent dans leurs anches. C’est encore le dernier jour et la
piste est une rivière de boue ; ou le glacier est descendu ; ou
quelqu’un a décroché les cartes punaisées dans la guérite, un chien malade jappe jusqu’à
ce qu’on le frappe. Tout va aller mieux désormais, même à petit feu. Même
au rythme de l’herbe qui tâte le vent à la surface, à celui du petit ruisseau
d’eau claire. Binh-Dû a une préférence pour la métaphore des braises, la
science de la non-consomption. Son amie revenue, il ne l’aime pas moins, elle
trouve les mots qui le touchent. Elle comprend avec un temps d’avance ce que
lui-même ressent. Il gagnera toujours à l’attendre.