Il ne s’agit pas
de jouer au plus fort et pourtant il y a erreur. Peut-être est-ce de se croire
plus malin (évidemment, c’est du pareil au même, suffit de délocaliser les
muscles). Quoiqu’il en soit, il y a oubli des vertus de la main tendue. Il y a
scepticisme, erreur sur les personnes, irradiations glacées dans la moelle,
bâillements déchirants. Il y a la peur que génère la honte. Binh-Dû trace sa
signature avec nervosité, comme si la rapidité était une preuve. Il lutte si
souvent contre sa lenteur... Il se réfugie sur le plat-bord dans l’espoir
insensé de peser moins.
Au moins, quand
il se retrouve dans l’eau, a-t-il évalué vers quelle rive la distance est la
plus courte. Le fleuve se hâte comme ne saurait le faire un océan, mais ce n’est
jamais qu’un fleuve. Une parfaite métaphore de la diagonale temporelle, à bout
de forces Binh-Dû se hisse, ruisselant, sous le regard peu concerné des
pique-niqueurs. D’entre tous les fuyards celui qui portait le moins d’espoirs,
est-il le seul survivant ? Ou bien Corpus et Alma sont-ils quelque part à
l’épier, arrivés avant lui, attendant sur une nappe à carreaux que le soir
tombe ?