Vivre vite et
beaucoup, quel programme de feu ! La terre brûle sous les pieds qui
s’envolent. L’étang ne se ressemble plus depuis la dernière fois, on distingue
la ville derrière les arbres. « Ne pas stationner », proclame un
écriteau rouillé sur la porte de la grange, pour le lire il faudrait
s’approcher et courir le risque d’être englouti par le sol boueux. Ne resterait
que le pompon d’un bonnet de laine qui intriguerait les poules. Un canard se
carapate vers la rive, persuadé que l’air finira par le soutenir. Un ex-poète
pleure ses membres amputés.
Binh-Dû adapte
son régime. La surchauffe le guette sous la couette. Il est disposé à admettre
que se remettre en position verticale favoriserait la descente du sang depuis
sa tête jusqu’aux petites veines qui irriguent ses plantes, qu’un grand verre
d’eau serait accueilli favorablement par son système, qu’afin d’arriver à point
il est au moins nécessaire de se mettre en mouvement. Il n’est pas ignorant des
mécanismes vertueux d’entraînement. Il est conscient également que les jours se
retirent si l’on reste en deçà des propulsions de la lumière.
Mais est-ce sa
faute si les tabulations de ses fichiers ne tiennent pas en place ? La
bruine fait descendre les humeurs tout en aplatissant les épis. Les pies
jacassent sur le faîte de la grange, contestant le progrès des connexions wifi
– que reste-t-il à voler si même la lumière se dématérialise ? La crue
menace. Dans les campagnes où les enfants grimpaient aux arbres pour cueillir
les fruits les plus juteux, on verra passer des barques patientes, maniées à la
perche, et on pêchera l’alligator. Les enfants, toujours eux, y verront des dragons
déchus.