Ce chien n’en est
pas un puisqu’il parle, de surcroît il n’a rien d’intéressant à dire. Binh-Dû
se fait tout petit sur le gradin pour inciter l’orpheline à s’asseoir à son
côté. Cette place est idéale, on a vue frontale sur la scène, et lui-même est
d’une épaisseur si réduite que l’héritière pourra prendre ses aises, déborder
un peu sans risquer qu’on la frôle, elle pourra même faire comme s’il n’était
pas là. Il ne soufflera mot, il compressera encore un peu plus ses poumons, il
se tiendra immobile, il s’évanouira presque. Il sera une absence.
Mais la veuve a
d’autres chats à fouetter. Ceux-là circulent entre les travées, d’une paume à
l’autre. Ils montrent les dents. Dans le jardin voisin un miroir aux alouettes
se décroche de l’arbre et se brise en trois fragments, telle une hostie
reproduisant le sigle de la paix. Dans le jardin voisin il n’y a pas âme qui
vive. Mais des manifestations s’y déroulent : formes changeantes des nuages,
pensées fugitives ou insistantes, agitations diverses... Tout le monde éteint
son portable, Binh-Dû sur la scène tapote le micro. Mais non, c’est son
frère.