dimanche 27 janvier 2019

27 janvier


                Ce chien n’en est pas un puisqu’il parle, de surcroît il n’a rien d’intéressant à dire. Binh-Dû se fait tout petit sur le gradin pour inciter l’orpheline à s’asseoir à son côté. Cette place est idéale, on a vue frontale sur la scène, et lui-même est d’une épaisseur si réduite que l’héritière pourra prendre ses aises, déborder un peu sans risquer qu’on la frôle, elle pourra même faire comme s’il n’était pas là. Il ne soufflera mot, il compressera encore un peu plus ses poumons, il se tiendra immobile, il s’évanouira presque. Il sera une absence.
                Mais la veuve a d’autres chats à fouetter. Ceux-là circulent entre les travées, d’une paume à l’autre. Ils montrent les dents. Dans le jardin voisin un miroir aux alouettes se décroche de l’arbre et se brise en trois fragments, telle une hostie reproduisant le sigle de la paix. Dans le jardin voisin il n’y a pas âme qui vive. Mais des manifestations s’y déroulent : formes changeantes des nuages, pensées fugitives ou insistantes, agitations diverses... Tout le monde éteint son portable, Binh-Dû sur la scène tapote le micro. Mais non, c’est son frère.