Heureusement cette fois qu’il n’avait pas compté, il aurait pris peur.
Heureusement que le tournant des vœux occasionne un prétexte. Heureusement
Binh-Dû n’était pas auprès de son téléphone pour décrocher. Il n’aurait pas su
comment respirer. Il réécoute le message plusieurs fois, il se réacclimate à la
tonalité de cette voix, sa texture si particulière. Sa matérialité presque
palpable, caressable. Il sent diffuser dans ses poumons, dans son psoas, dans
ses orteils. Cent-sept jours, il ne restait plus qu’une perle de prière au
mâlâ. Les deux dernières il les aurait enfoncées dans ses oreilles – gardant
ses yeux pour pleurer ? Non, rien de si dramatique. Elle lui souhaite de
belles choses, plein, pour l’année nouvelle. Elle l’embrasse, et si ce n’est
qu’une formule convenue, au moins celle-ci augure-t-elle d’un rapprochement. Binh-Dû tourne lentement la tête, elle aussi à sa rencontre et leurs
lèvres se joignent comme une première fois, dans la même inéluctable
simplicité. Deux guêpes vrombissent aux angles du plafond, attendant qu’on leur
ouvre la fenêtre. Une fois dehors, elles demeurent à proximité, inspectant les
anfractuosités de la façade. La menace même se transforme en beauté.