vendredi 30 novembre 2018

30 novembre


Jusqu’où avoir peur, hors de la matrice ? Hors de la matrice, c’est encore la matrice. Le soleil passe dans l’encadrement de la fenêtre, dans le chalet les lattes du parquet convergent en ligne de fuite. Quand la nuit sera tombée et toutes les portes refermées, la neige descendra recouvrir les arbres et les pelouses puis elle se transformera en pluie tombant des branches sur les bonnets. Mais pour l’heure Binh-Dû ne s’en doute pas. Il ignore également qu’il ira dans l’après-midi acheter du porc en batterie et des pommes ignifugées. Sur l’éventail des pollutions, certaines semblent accessoires. Vaut-il mieux déraper comme en rêve et s’encastrer sous une voiture ? Non, il se tient debout en chaussettes sur le parquet, derrière le trait de scotch, sous la mitraille et un second soleil artificiel. Son quant-à-soi au garde-à-vous cille à chaque crépitement, ainsi seulement aurait-il refusé le bandeau sur les yeux. Est-il si périlleux d’être convaincu de sa propre existence, preuve inscrite dans le viseur ? La salle est pleine pour la générale, les danseurs ressortent en moirures sombres sur le fond blanc. On retient son souffle à l’amorce des mouvements. Binh-Dû est sorti du chalet, il croise les doigts. Et puis il se détend, il sourit même en grand, personne ne le regarde.