Jusqu’en quels lieux retirés se réfugier ? Quand tout ce sur quoi
l’attention est attirée équivaut à une insulte, quand les coups sont portés
sans relâche, pareils au martèlement d’une musique machinale ou d’une machinerie
musicale, quand les organes crient silencieusement « Emmène-moi
ailleurs ! Prends soin de moi sinon je meurs ! » Quand l’âme au
diapason soupire « J’aurais tout donné pour toi. J’étais ton enfant
chérie, ta mère et ton père. » Dans le cube opacifié les impulsions
sensorielles entament le squelette, la poussière s’ajoute à la poussière.
Mais il faut bien vivre, rétorquera-t-on à Binh-Dû. Vivre, c’est-à-dire
écouter les sons et les vibrations de cette musique nous pénétrer le corps,
crier qu’on est content de lever en cadence les bras en l’air et de sautiller
d’une jambe sur l’autre, ingurgiter des breuvages corrosifs qui sapent de notre
existence la continuité, manger du sang coagulé, de la chair pharmaceutique et
du pétrole aromatisé, baiser à pierre fendre, dormir comme on meurt et vomir au
réveil, renfiler le costume pour cinq jours. Binh-Dû se souvient comme il
enviait ceci, du temps de son immortalité.