Il y a vraiment des gens sur ce piteux cercle de l’enfer qui font
chauffer de l’huile et brûler de l’essence pendant des heures chaque jour pour
avancer à peine plus vite que s’ils traversaient Paris à pied ? Chaque
jour, et ils appellent cela « se rendre à son travail » ? (Ou en
revenir, ce qui n’est pas moins une reddition tant le cycle de répétition
semble devoir durer jusqu’à ce que mort s’ensuive.) Poumons cramés, neurones
bousillés à force de tourner sur eux-mêmes. Il y en a même pour qui ce
piétinement sur pneumatiques est un aspect du travail en soi ?
Binh-Dû a beau jeu de faire le malin, de prétendre à la candeur. Il ne
rentre dans le cercle que les trente-six du mois. Ou il s’engouffre dans les
sous-sols (porte des enfers plus évidente), et là aussi il peste – contre
l’abrutissement et les émanations toxiques. Il ne vit jamais que dans un pays
riche. Il se permet de sourire aux migrants harassés qui errent là où on les a
relégués. Jusque sur les talus du périphérique. Lui, il quitte l’autoroute
avant d’atteindre les avions, il longe la prison et ses barbelés couverts de détritus,
il va admirer des danseurs en spirale.