La pluie attend que Binh-Dû pose le pied dehors pour se mettre à
tomber. Tel un chien qui tourne en rond dans l’entrée, la queue battant les
murs, tandis que son maître, lentement, interminablement, décroche son manteau
de la patère, se saisit de la laisse et des clefs, vérifie qu’il n’a rien
oublié, s’agenouille pour lacer ses chaussures – maudit clebs, on y va, j’ai
compris, inutile de me bousculer ! Il y a toujours la crainte que le chien
pisse dans l’escalier, un jour peut-être et ce sera mauvais signe, ultime
rappel de ses années de chiot.
La pluie tombe de plus en plus dru mais c’est toujours l’été, il y a un
point d’honneur à la recevoir tête haute, voire à renverser le visage et forcer
un sourire. Son goût se mêle à celui de la peau. Un jour prochain, le geste
révolutionnaire consistera à ouvrir la main vers le fruit mûr pendant de
l’arbre plutôt qu’à serrer le poing – les arbres des villes portent-ils
seulement des fruits ? Le chien s’enivre à présent des odeurs d’humus qui
s’élèvent du sol. Toi, oui toi, l’homme ! Lâche la tête. Sois comme le
chien. Alors affluera le sang de tes désirs.