Le cœur en
travers comme une chambre à air. Un nid de poule et Binh-Dû se retrouve devant
les portes du lycée, comme quand il y avait plus de temps à tirer qu’on ne
croyait pouvoir le supporter, alors on faisait preuve d’humour pour n’être pas
la dernière des dupes. Dans le bunker de son corps, un colosse agite du
menton sa mèche, les petits yeux enfoncés s’apparentent à ceux d’un être si
frustre qu’on n’éprouverait guère de scrupule à effacer de son front ce qui lui
tient lieu de vérité. Binh-Dû a ces jours-ci des envies de meurtre, il tangue
d’un pied sur l’autre entre le mot envie et le mot besoin, il tremble davantage
que le rafraîchissement de l’air ne le justifierait. Ses doigts de pieds se
crispent à tel point qu’il se demande s’il est possible d’ainsi se briser un
os. Homme de paix, ignorant des bases émotionnelles de la guerre... Au café, un
homme rit en parlant de Syriens qui n’auraient pas été gazés, manière de
choisir sa réalité comme on choisit une consommation. Il lève la main pour
toper dans celle de la femme assise en face de lui, manière d’imposer un
contact à un objet qui ne le désire pas. Binh-Dû plonge dans les yeux de l’amie, lesquels l’espace d’un instant ne sont plus seulement les siens. « Entends,
disent-ils, ce qui ne meurt jamais. »