Binh-Dû use
des métaphores comme d’un tison dans le feu. La flambée est passée, il ne reste
que des bûches largement consumées. On dirait des os rongés par le milieu, et
ce serait même la métonymie d’un mâchage en règle, vorace. Par association, des
centaines de souris cavaleraient au grenier, fuyant par le toit, leurs pattes
produisant le staccato d’une averse impossible – à moins qu’il n’y ait plus de
toit. Dans la pièce à vivre, tous lèveraient les yeux vers les poutres. Que
fallait-il donc quitter ? Sommes-nous encore sur terre ou déjà en voyage,
seuls au monde ? Et d’abord, combien sommes-nous, Binh-Dû n’est-il pas
tout seul face à l’âtre ? Il se permet de faire durer le plaisir, ou la
douleur qui est une facette voisine du plaisir. Dans la pièce d’à côté – s’il y
en a une – son jumeau abruti se morfond,
il ne sait pas quoi faire de ses mains. Il a froid, tandis que Binh-Dû présente
tantôt son profil gauche tantôt son profil droit à la chaleur qui émane des
braises. Les flammes sont une lisière confiante. La paresse n’est pas loin,
voire l’endormissement. Au bout de la pique remuent des souvenirs charnels, des
galaxies infinies, cela pourrait se prolonger infiniment. Binh-Dû face à l’être
est un homme qui préfère recourir aux visions aveuglantes.