Tout est prémonitoire. Et nous avançons à chaque instant au bord d’un
renversement. L’enjeu serait-il donc de savoir oublier ? Avant les
traumatismes il y a toujours l’innocence. Binh-Dû en son royaume ouvre de
grands yeux candides. Il joue, cela il sait faire. Pas nécessairement seul. Il
ne ressent aucun besoin d’oublier, étonné déjà que de ses premières années ne
lui restent que des bribes oniriques, le visage souriant de sa mère se penchant
au-dessus du landau, un chat sur un mur, le pyjama dont il ne trouvait plus les
jambes.
À présent, c’est plus compliqué. Il doit mobiliser des techniques
mentales sophistiquées afin de ne pas constituer les problèmes en soucis, plus
en amont encore ne pas préméditer les problèmes. Il doit se cogner contre des
choix ineptes (colère ou désespoir ?) pour ouvrir du crâne une autre
alternative. Et puis il lui faut aussi se souvenir (être lui-même, en somme)
des champs d’amour éternel. Substituer sa propre ruse à celles qu’on voudrait lui
opposer, d’un côté savoir, de l’autre ignorer. Et ainsi écrire l’avenir.