Une mésange se pose sur les brins
d’encens disposés comme des fleurs dans le pot de terre. Elle
picore sans conviction, se rabat sur le fil du linge. Binh-Dû tolérerait
qu’elle lâche une petite fiente, tant sa présence lui réjouit l’âme. Dans les
rues avoisinantes les arbres sont alignés au cordeau, fraîchement élagués. Rien
qui dépasse, de même on brûle les cornes des chèvres. L’arbre dans la ville est
une tolérance, sous condition de bien se tenir, de n’être que ce qu’on voudrait
qu’il soit. Et les enfants aussi on les mutile, « Va donner le pain aux
pigeons ! » ordonne un père à sa fille. On les ordonne de la maison à
l’école, en passant par le parc paysager où patrouillent les gardes sur leurs
scooters électriques, attentifs à ce que personne ne déborde du gazon. Du
théâtre de marionnettes s’échappent des cris de dénonciation. Ce qui importe, c’est d’être du bon côté du bâton, martèlent les collabos. De retour chez
lui, Binh-Dû observe un moment le ciel menaçant, son
linge est quasiment sec.