Un break doté de sa vignette se gare soigneusement dans la place
délimitée par le marquage au sol. En sort un homme jeune encore, qui se dirige
d’un pas mesuré vers l’horodateur afin de s’acquitter de sa taxe. Tout est
normal, la portière s’ouvre à présent côté passager et une femme pose le pied
sur la chaussée, s’extrait à son tour du véhicule, attend. Elle a claqué de bon
aloi sa portière. Il semble évident que ces deux-là sont mariés. Ils comptent
bien avoir des enfants. L’homme est revenu à sa voiture, il ouvre le coffre, y
récupère deux sacs en plastique renforcé, marqués du logo d’une firme
d’articles de sport. La femme attend à son côté, elle jette un regard furtif
alentour. L’homme referme le coffre, fait biper le verrouillage centralisé,
s’engage sur le trottoir. La femme le suit.
Se peut-il que quiconque aspire à telle obéissance ? Non
seulement celle de la femme en retrait de son homme, mais celle du couple inséré
dans son conformisme social. Même le silence est dévoyé. Loin d’ici, une autre
femme jeune est tiraillée entre son instinct de rébellion et son désir de
construction. Avec elle, le silence est toujours bruissant d’intelligence. Ses
questionnements et ses doutes lui mènent la vie dure, elle est tentée de se
déterminer en fonction de ce qu’elle serait censée faire. Mais qui pour
savoir ? Et au prix de quelle domestication ?
Il arrive que la plus adéquate des réponses provisoires consiste à se ranger bien
parallèle au trottoir, et à rentrer chez soi, en silence.